264 pages – 16 €
Le livre plus en détail
Récit d’une aventure lointaine (une évasion qui, au printemps 1942, conduit le héros du nord de l’Allemagne jusqu’en Bretagne d’abord, puis dans la zone sud), ce livre déroule aussi l’histoire d’une écoute en même temps que l’histoire de la parole narrative première, née dans le temps de l’aventure elle-même, puis reprise et affinée pendant des
décennies, avant d’être fixée finalement sur une bande magnétique en décembre 1987, quelques années avant la mort de l’ancien prisonnier de guerre.
Deux voix se mêlent ici, celles d’un père – l’évadé – et de son fils, attentif aux inflexions d’une voix perdue ; deux regards se superposent, deux mémoires s’entrelacent pour recomposer une histoire qui déborde, en amont comme en aval, le temps même de l’évasion. La narration est trouée de dérives méditatives qui touchent à l’expérience du temps et à l’idée de la mort, à la mémoire bien sûr et aux pouvoirs de la parole, à
la question aussi du rapport au divin… Dérives nourries par quelques références littéraires, accueillies dans la seule mesure où elles semblent propres à orienter vers la saisie d’un sens.
Le mot de l’auteur, Yves Fravalo
Dire de ce livre, selon les mots de la quatrième de couverture, qu’il « n’est pas seulement le récit d’une évasion », c’est bien sûr suggérer qu’on ne saurait le réduire à cette seule dimension, mais c’est d’abord attirer l’attention sur ce qui en constitue la matière narrative la plus immédiatement saisissable.
De ce récit d’une évasion, qui a formé comme le fond sonore d’une enfance, il ne reste d’abord dans la mémoire de celui qui parle, que deux images. Impuissant à réinscrire ces deux images dans le fil d’une histoire, le narrateur – qui n’est autre que le fils de l’ancien évadé – décide, pour répondre à la curiosité d’un enfant qu’il a lui-même incidemment éveillée, de procéder à l’écoute d’un enregistrement réalisé, vingt ans plus tôt, par le héros lui-même à la fin de sa vie (ch. I).
Dès le chapitre II, le livre se règle sur cette écoute et sur les souvenirs qu’elle éveille chez le narrateur : souvenirs liés au geste narratif ancien comme aux conditions dans lesquelles s’est opéré l’enregistrement tardif, et jamais écouté jusque-là, de la version finale de l’aventure.
Ce n’est qu’à partir du chapitre III, que s’enclenche proprement le récit de l’évasion, dont les différents chapitres, dès lors, retracent les étapes ou les péripéties majeures.
Autour de ce fil central s’engage, selon des régimes variés, une série de développements réglés sur le mouvement supposé de l’activité mémorielle du héros : évocation fragmentaire de l’enfance, de l’adolescence, de la jeunesse. Rétrospection, mais aussi anticipation en direction du temps qui suivra l’évasion. Le propos s’appuie alors sur des confidences anciennes que relaient, sur quelques points, le travail de la conjecture et celui d’une intuition forte du souvenir de longues années d’intimité.
Aux jeux de la mémoire du héros se mêlent, on l’a compris, ceux de la mémoire du narrateur qui, à partir des incidents évoqués ou des thèmes abordés, à partir parfois des seules inflexions de la voix retrouvée, dérive selon la pente qui lui est propre. La dimension narrative, avec ce qu’elle comporte donc de description, se double assez constamment d’une dimension réflexive qui touche aux thèmes de la mémoire et du temps, de la mort, du rapport au divin, qui touche aussi au rôle et aux pouvoirs de la parole.
Visées diverses qui trouvent sans doute leur foyer d’unité dans la volonté d’évoquer une vie éclairée de bout en bout par une certaine image du printemps.