Prenez garde à l’intervalle entre le marchepied et le quai…

128 pages – 13 €

Le mot de l’auteur – Roland Goeller

Sept nouvelles tantôt légères tantôt inquiétantes, un rien fantastiques. Sept personnages saisis dans un moment de doute, de remise en question. Un événement liminaire donne naissance au récit, une ressemblance avec quelqu’un, un miroir qui renvoie une image ingrate, deux valises qui chuchotent… Les uns, tels Firmin et Thomas, se contentent de laisser en eux jaser leurs souvenirs, selon l’expression de Brantôme. Les autres cependant poussent la porte et s’engouffrent. En une fraction de seconde, Anna accepte d’être celle qu’un autre voit en elle, tandis qu’Emma s’enferme dans son acte manqué. Charles se met en tête de déjouer un complot tandis qu’Antoine entrevoit la possibilité d’une menace. Quant à Tancrède qui se réveille dans le corps d’un autre… : « Il n’est pas si différent de moi… Peut-être n’étaient-ils qu’une seule et même personne répartie en deux corps, le trop-plein du moi ayant migré sans que le fond en ait eu connaissance. Manifestement, l’autre ne savait pas qu’un trop-plein s’était constitué, une excroissance avide d’un autre corps. La chair souvent se livre à des actes sans que l’esprit ne s’en rende compte vraiment. »

Les intrigues ne sont pas sans rapport avec certains thèmes contemporains par lesquels je me suis laissé guider, le voilement des corps ou la violence sourde ou les attentats ou l’interchangeabilité des individus. Je procède ainsi : un thème qui me parle, un personnage pour le porter, une intrigue pour le récit. L’actualité se montre généreuse. Je me mets à écrire lorsque les trois se livrent en même temps et une seule fois. Ce sont des textes brefs, concis, qui cherchent à saisir la substance de quelques instants fugaces avec une patience d’entomologiste. Ils se nourrissent des monologues des personnages et des questions qu’ils se posent sur eux-mêmes, leurs identités plus contingentes qu’ils ne le croyaient.
Le contexte est souvent celui des gares et des trains, propice aux surprises et aux coups de théâtre, sans doute parce qu’ils furent au cœur de mes activités professionnelles. Le recueil trouve son titre avec cette petite phrase répétée à chaque voyage tel un mantra. Prenez garde à l’intervalle entre le marchepied et le quai ! Manifestement, certains n’ont pas pris garde…

Les nouvelles ont été écrites sur plusieurs années. Le projet de recueil a pris forme avec Vous me prenez pour quelqu’un d’autre, réécriture d’un récit antérieur plus ample, et de Je est un autre, dans laquelle la question de l’identité se pose avec le plus d’acuité.

Il est déjà question de trains et de voyages dans mon précédent roman, Puis-je m’asseoir à côté de vous ? paru aux Terres du couchant en 2017.